Un risque de placement abusif: le syndrome de fatigue chronique de l’enfant.

À Nantes, une fillette atteinte d’une encéphalomyélite myalgique (syndrome de fatigue chronique) risque d’être placée en famille d’accueil à cause de son absentéisme scolaire. La méconnaissance de la maladie, en France, met les familles concernées en grande difficulté.

À Nantes, Agathe*, une fillette de 9 ans atteinte d’un syndrome de fatigue chronique (SFC), est menacée d’être placée, avec sa sœur jumelle, en famille d’accueil ou en foyer. Cela fait suite à plusieurs signalements de son école pour absentéisme scolaire.

Le syndrome de fatigue chronique est peu reconnu en France

Une audience se tient mercredi 17 avril, qui réunira les parents et les juristes de la famille devant un collège de trois magistrats. Des circonstances exceptionnelles liées à la « technicité » du dossier, explique Me Marie Leroux, l’une des deux avocates des parents, spécialisée en droit de la santé. « Agathe est une petite fille très fatiguée qui a besoin que l’on aménage sa scolarité et son cadre de vie. La difficulté est la méconnaissance, en France, de la pathologie dont elle souffre. Cela donne lieu à une incompréhension de la situation d’Agathe et à une inquiétude de l’école qui fait des signalements. »

Une maladie chronique et invalidante

Agathe a développé un syndrome de fatigue chronique (SFC) à la suite d’une infection virale (mononucléose), à l’âge de 4 ans. Également appelée encéphalomyélite myalgique (EM), la pathologie post-infectieuse est chronique et invalidante. Depuis que son état s’est dégradé, en 2019, la petite ne va à l’école que « quatre demi-journées par semaine. Sa mère se chargeant de compléter l’instruction à la maison », précise l’avocate. Depuis lors, les parents sont en procédure judiciaire.

On soupçonne les parents de se plaire à croire que leur enfant est malade

Me Marie Leroux, avocate

Un non-lieu avait été prononcé par la Juge des enfants, en mai 2021, mais la procédure a été rouverte cinq mois plus tard, pour les mêmes raisons, après que la médecine scolaire a saisi les services sociaux. Un danger lié à la scolarisation et à la santé de l’enfant, un danger d’ordre moral, sont signalés. L’avocate commente : « L’absentéisme scolaire et la crainte d’une déscolarisation sont évoqués. On met en exergue le fait que c’est une petite fille pâle, qui peut paraître taciturne. On s’interroge aussi sur la pathologie mise en avant par les parents. On les soupçonne, à demi-mot, de se plaire à croire que leur enfant est malade pour pouvoir le garder à la maison. »

Pour les services sociaux, les parents sont défaillants

Malgré un dossier « solide », estime l’avocate, qui atteste notamment du handicap d’Agathe et de son droit à bénéficier d’aménagements scolaires, de son suivi médical, et du diagnostic confirmé par plusieurs médecins, le rapport issu de l’enquête sociale et éducative sollicite le placement d’Agathe et de sa sœur jumelle. « On estime que les parents sont défaillants. Le rapport demande en plus une délégation de l’autorité parentale sur les questions médicales et scolaires. Si le juge suit les préconisations, cela veut dire que la famille d’accueil ou le foyer prendront toutes les décisions qui concernent les filles », explique Me Leroux.

Pour le milieu médical français, la maladie est somatique

Contrairement aux États-Unis, au Canada et au Royaume-Uni notamment, il n’existe aucune recommandation officielle de prise en charge de l’EM/SFC en France. « Seuls quelques rares spécialistes sont capables de diagnostiquer cette pathologie et de suivre les malades et seulement deux d’entre eux prennent en charge des enfants », explique Frédérique, membre de « Millions Missing France », une association qui œuvre pour la reconnaissance et la prise en charge de la pathologie. Difficile à appréhender et à soigner, cette maladie est souvent considérée comme une pathologie « psychosociale », dont les troubles sont d’origine somatique. Ce n’est pas sans rappeler la problématique du Covid long, autre syndrome post-infectieux, où les patients remontent des difficultés à accéder à des soins adaptés, en raison d’une psychiatrisation de leurs symptômes.

Aucun pédiatre, en France, n’est à même de poser le diagnostic

« La situation d’Agathe, hélas, n’est pas un cas unique », alerte Frédérique qui raconte que plusieurs cas sont remontés à l’association. « Aucun pédiatre en France n’est à même de poser le diagnostic, ce qui expose les familles aux services sociaux en cas d’absentéisme scolaire. Pour les enfants, c’est la double peine. Quand ils se retrouvent placés, leur état de santé se détériore très vite. Ils tombent dans un état d’épuisement jusqu’à l’alitement complet. Ils sont alors hospitalisés et orientés vers des services de réadaptation à l’effort, ce qui aggrave leur état. On rend des poupées de chiffon aux familles. Une fois qu’ils ont été soumis à cette maltraitance institutionnelle, c’est le risque, pour eux, d’être alités à vie. »

Au Canada, des milliers d’enfants touchés par la maladie sont déscolarisés

Au Canada, où l’EM / SFC est considéré comme une pathologie chronique qui force à la déscolarisation de milliers d’enfants, un fonds de recherche à hauteur de 1,4 million de dollars est aujourd’hui dédié au développement d’une prise en charge adaptée aux patients. En Belgique, le Conseil supérieur de la santé a récemment estimé que cette maladie demeurait à tort controversée et incomprise. Au Royaume-Uni, on invite les professionnels à soutenir les aménagements scolaires, notamment à travers les cours en ligne, la scolarisation à domicile, afin de fournir un accès égal à l’éducation autant que possible.

Source: https://www.parismatch.com/actu/societe/syndrome-de-fatigue-chronique-de-lenfant-un-risque-de-placement-abusif-236556

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